Newsletter n° 5

 








21/05/2023



Mieux vaut prévenir que guérir




L’église paroissiale Notre-Dame de l’Assomption de La Ferté Alais, joyau de notre patrimoine architectural, n’est connue que des habitants de la région, de quelques historiens et de certains amateurs. La Ferté Alais est une petite ville d’environ 4000 habitants, située à une quarantaine de kilomètres au sud de Paris à équidistance entre Étampes et Melun.

Son église romane du XIème siècle, a été réhaussée dans le style gothique primitif au XIIème siècle et nous est parvenue telle quelle sans dégradations, sans modifications ni restaurations majeures. 

Durant 900 ans elle a résisté aux assauts du temps, aux attaques des intempéries et aux agressions de l’histoire.

Aujourd’hui des signes alarmants et vraisemblablement irréversibles, fragilisent l’édifice. Il est urgent d’intervenir.

L’église est en danger



    
Aujourd'hui 2023
Demain 2040 ?

Sommaire

L’église Notre-Dame de l’assomption

Valeur architecturale

Situation actuelle

Perspectives

Diagnostics et constats déjà réalisés

L’église Notre-Dame de l’assomption

Les origines de l’église paroissiale Notre-Dame de l’Assomption de La Ferté Alais remontent à la fin du XIème siècle. La première église romane qui avait un couvrement en bois, fut réhaussée et couverte de voûtes d’ogive dans le premier quart du XIIème siècle. Le plan complet de l’église fut préservé, les murs ne furent pas épaissis, mais seulement renforcés par les piles et les contreforts nécessaires au soutien des nouvelles voûtes.

Ces lourdes modifications furent accomplies en seulement 20 ans entre 1120 et 1140, délai très court pour l’époque et qui explique l’homogénéité de l’architecture intérieure.


L’authenticité des voûtes a été démontrée par l’historien Valentin de Courcel (Bulletin Monumental de 1912), confirmée par le Professeur Philippe Plagnieux lors de sa visite en 2014. L’authenticité des chapiteaux a été corroborée par les travaux de l’historien-architecte australien John James qui a minutieusement étudié 1600 églises du Bassin Parisien depuis 1970.


L’église nous est parvenue exactement telle que les architectes et les maîtres maçons d’alors nous l’ont léguée au milieu du XIIème siècle. Seules quelques modifications très localisées, une baie et une porte, sont intervenues plus tard, au XVIème siècle.

Cet édifice a été épargné, fort heureusement, par les modes successives d’embellissement et des mises au goût du moment qui ont sévi notamment aux XVII et XVIIIème siècles.


    

    

Au-delà de ses qualités architecturales et techniques cette église fut, durant neuf siècles, un lieu d’accueil pour tous, croyants ou non-croyants, pour vivre des moments d’intériorité, de paix, de silence et de chaleur intérieure, chargés de joies ou de tristesses. Elle nous relie à notre histoire et à nos racines. Nous devons restaurer l’édifice pour transmettre l’église de demain aux générations futures, sinon il faudra, un jour, l’abattre ou la démolir.

Valeur architecturale


Les caractéristiques techniques de cet édifice sont absolument remarquables, d’autant plus qu’elles ont été préservées sans restauration depuis 900 ans.

La valeur architecturale exceptionnelle de l’église tient en partie à ses caractéristiques techniques : une nef large de plus de 9 mètres, couverte de voûtes d’ogive en blocage, donc très lourdes, situées à 12 mètres de haut, soutenue par des piles relativement minces épaulées par des contreforts plutôt modestes.

Cette construction, fort heureusement épargnée par les Guerres de Religion et la Guerre de Cent Ans, a résisté, durant 900 ans, aux attaques des intempéries ainsi qu’aux agressions du temps, notamment celles des mouvements du sous-sol.

La seule restauration importante connue est la consolidation de la charpente, au XIXème siècle, par des arcs en briques pour éviter que les poutres d’entrait, en s’affaissant, viennent peser sur l’extrados des voûtes.


Longueur totale de l’édifice : 43 m.

Largeur du transept : 22 m.

Largeur de la nef : 9,80 m.

Hauteur sous voûtes de la nef : 12 m.

 

Un reportage complet est consacré à l’église de La Ferté Alais dans ce site.



Situation actuelle


Des signes précurseurs de la fragilité de l’édifice apparaissent progressivement depuis plusieurs années. Ils ont fait l’objet de plusieurs analyses et diagnostics par des architectes des monuments historiques dont les conclusions étaient déjà alarmantes en 1993, il y a 30 ans et dont l’essentiel est résumé à la fin de cette page.

De nombreuses fissures apparaissent sur l’intrados des voûtes et sur les murs intérieurs.

Une importante fissure traversante apparait dans le mur gouttereau nord de la première travée, celle qui n’est épaulée à l’ouest que par la maigre façade.



La forme similaire des deux fissures apparentes et leur exacte correspondance lorsqu’on les superpose (en vert fissure intérieure, en rouge fissure extérieure), montre que le mur est en train de se fendre vraisemblablement à cause de désordres du sous-sol. Par conséquent le contrebutement de la voûte de la première travée qui s’appuie sur la façade occidentale est dangereusement affaibli.


La fissure fragilise considérablement le mur gouttereau et cette situation devient préoccupante car l’équilibre complet de l’édifice est menacé.




Le principe, pour toute église, est que les poussées des voûtes de la nef s’équilibrent deux à deux. La voûte contigüe au transept (ici la n° 3 à droite) est contrebutée par la voûte de la croisée et la masse du transept. La voûte accolée à la façade (ici la n° 1 à gauche) est contrebutée par la façade qui, dans le cas de l’église de La Ferté Alais, se résume à un mur renforcé par deux maigres contreforts.

Dans les cathédrales et les églises de grandes dimensions, la voûte de la première travée est contrebutée par le massif occidental constitué, en général, de deux tours massives ou d’une façade imposante, donc très épaisse. La particularité de l’église de La Ferté Alais est d’avoir des voûtes de portée importante en blocage donc très lourdes exerçant des poussées plus importantes que dans une église courante.


La maçonnerie de l’édifice est de conception robuste puisqu’elle a résisté durant 900 ans, mais la déchirure qui s’amorce dans le mur gouttereau, met de plus en plus en péril cet équilibre.

D’autres désordres, moins spectaculaires mais tout aussi générateurs d’une fragilité grandissante de l’édifice, apparaissent au bas des piles de la nef et dans le pavage, causés par l’humidité du sous-sol qui s’infiltre dans les pierres.


    
Dégradations dues à l’humidité Fissures dans l’intrados des voûtes

Ces désordres ont été décrits dès 2015 dans les monographies de RAYMOND SIGNE, chercheur indépendant, co-fondateur de l’Association pour la Sauvegarde de l’Église. Ces documents sont disponibles sur le site de l’association, ainsi que d’autres documents concernant l’histoire de l’église.



Perspectives


Les dégradations apparues il y a quelques années ne vont pas se stabiliser naturellement dans les années à venir mais ne peuvent que s’aggraver de manière irréversible.

Les mesures de précautions actuelles se réduisent à limiter l’espace accessible par des cordons rouges pour protéger les personnes d’éventuelles chutes de crépi à l’intérieur.




Si rien n’est entrepris rapidement et sérieusement c’est l’accès à l’église qui sera condamné, le risque d’effondrement devenant de plus en plus sensible.

Alors voilà ce que nous risquons de voir en 2040 lorsque sera célébré le 900ème anniversaire de la fin de l’agrandissement de l’église qui fut achevé en 1140.






RAYMOND SIGNE écrivait en 2015 dans sa monographie : « Je pense particulièrement aux générations futures à qui l’on doit laisser un patrimoine culturel et cultuel qui représente tout un passé, tout un savoir à connaître que nos générations précédentes nous ont transmis. Il faut leur faire prendre conscience de cette importance. »

Diagnostics et constats déjà réalisés


Quatre diagnostics furent effectués entre 1993 et 2022 par Messieurs LARPIN et BERHAULT, architectes des monuments historiques, et Messieurs DESMART, GRISEL et KERUEL.

Les diagnostics mettent en évidence trois origines pour les dégradations qui affectent l’église de La Ferté Alais. En voici le résumé :


1. Insuffisance d’entretien

- L’état des chenaux est critique : vétustes, affaissés, encombrés, ils favorisent l’infiltration d’eau dans les combles et sur les voûtes ;

- Les couvertures en dalles de pierre des deux absidioles sont en grande partie extrêmement dégradées et sources d’infiltrations qui aggravent l’état de leurs voûtes.


2. Faiblesses de conception des charpentes

- Nef : les défauts de conception de la charpente étaient déjà à l’origine de la seule restauration importante dont l’église a fait l’objet au XIXème siècle, pour éviter l’affaissement des entraits sur l’extrados des voûtes. Malgré les renforcements effectués elle continue de s’affaisser provoquant des contraintes sur l’extrados des voûtes provoquant les fissures constatées sur l’intrados ;

- Le beffroi du clocher : l’analyse structurelle met en évidence une insuffisance des contrebutements longitudinaux et l’absence d’étrésillonnements qui obligent les charges dynamiques à se reporter sur les pans de bois transversaux, ce qui rend possible la torsion générale de la charpente qui s’appuie désormais sur la maçonnerie du clocher.


3. L’état du sous-sol de l’église

- L’église repose sur une formation rocheuse dont les micromouvements entraînent des tassements d’ensemble ainsi que des tassements différentiels. Sous la pression des voûtes ces mouvements provoquent des fissures au-dessus de la grande baie du croisillon nord et dans le mur gouttereau de la première travée de la nef. Celle-ci s’apparente à une lézarde d’au moins 3 cm de large. Très ouvertes, ces fissures laissent pénétrer les eaux de pluies ce qui tend à augmenter leurs ouvertures.

- Au pied du clocher, l’extrémité nord-est de l’église est plus proche d’un cloaque que d’une cour. L’absence de drainage provoque l’humidité à l’intérieur de l’abside qui se traduit par des efflorescences, des boursouflures et le soulèvement du carrelage par endroits.

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Le point 1 pourra être résolu par des actions ponctuelles correctives facilement accessibles.

Les points 2 et 3 ne pourront pas être traités par de simples corrections successives. La maçonnerie de l’église a traversé 900 ans d’histoire, sa conception n’est probablement pas à mettre en cause. La charpente mal structurée exerce des contraintes excessives sur la maçonnerie et l’influence du sous-sol nécessitent l’intervention d’experts hautement qualifiés et solidement équipés pour approfondir le diagnostic, concevoir les méthodes d’intervention et proposer un projet d’ensemble pour pérenniser l’édifice.


L’Association pour la Sauvegarde de l’Église de La Ferté Alais et la mairie de la ville se mobilisent pour engager les pouvoirs publics dans la préservation de cet édifice





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