Comme
le
mentionnent avec humour les annales du Congrès
Archéologique de 1951, Notre-Dame la Grande est «une
église sans papiers» par manque d’archives, à
l’instar de nombreux édifices du Moyen Âge.
Édifiée
à
l’emplacement d’un antique forum romain du 1er
siècle ap.
JC, l’église, telle qu’elle nous apparait aujourd’hui,
n’a pas grand-chose à voir avec ce qu’elle était au
Moyen Âge. Comme la plupart des édifices religieux,
Notre-Dame la Grande a subi au cours des siècles de
nombreuses modifications et ajouts pour l’adapter aux
obligations cultuelles et aux exigences du pouvoir
local. Ces transformations ont été réalisées pour
répondre à des besoins fonctionnels et satisfaire les
modes architecturales du moment sans le souci de
préserver un équilibre esthétique global.
Depuis
le
XVIIème
siècle l’église fut enclavée dans un îlot de bâtisses et
d’échoppes accolées aux murs d’où n’émergeait que la
partie supérieure de la façade occidentale et
l’élévation sud. Tout ceci ne fut détruit qu’en 1850,
mettant ainsi au jour le porche roman au sud de la
cinquième travée, pour la livrer telle que nous la
voyons avec la perspective d’aujourd’hui.
L’édifice
initial
composé d’un chœur et d’une nef de 9 travées date de la
deuxième moitié du XIème
et du début du XIIème
siècles. C’est une église halle composée d’une nef
centrale voûtée en berceau et de collatéraux voûtés en
arêtes, l’un et l’autre renforcés par des arcs
doubleaux. Un seul toit couvre l’ensemble. Elle n’a pas
de transept mais une dernière travée coiffée
d’une coupole sur trompe et dotée de quatre
piles plus fortes pour supporter le clocher.
Le
chœur,
entouré d’un déambulatoire couvert d’un berceau
annulaire, est l’un des plus vastes datant du XIIème
siècle. On a du mal aujourd’hui à imaginer le chevet
d’origine qui comportait trois absidioles en hémicycle.
La chapelle d’axe a été lourdement restaurée au XIXème
siècle et celle du sud a été supprimée au XVème
siècle.
La
façade,
achevée au XIIème
siècle, est un immense bas-relief selon l’expression de
Prosper Mérimée.
Cet immense décor sculpté est à l’origine de la
réputation de ce monument. La
présence
d’une tourelle d’escalier à hauteur de la troisième
travée de la nef pourrait indiquer qu’une première
façade avait été construite à cet endroit partageant la
construction de la nef en deux campagnes distinctes.
Cette hypothèse n’a jamais été confirmée.
Au
XIIIème
siècle un cloître fut bâti au nord.
Aux
XVème
et XVIème
siècles des chapelles latérales de style gothique furent
érigées au sud puis au nord en l’honneur et à la mémoire
de notables influents. Le proche latéral sud, dans le
prolongement de la deuxième travée, fut érigé au milieu
du XVème
siècle.
A
la moitié du XVIème
siècle l’église fut mise à sac lors des guerres de
religions, de nombreux personnages furent décapités et
la statue de Constantin qui surmontait le porche roman
fut mise à bas.
Au
XVIIème
siècle et jusqu’à la Révolution l’église fut remise en
état et le mobilier entièrement restauré ou refait. En
1796 le cloître fut vendu comme bien national et fut
détruit en 1860 pour laisser place au marché actuel !
Les vestiges de quelques arcades ont été remontées dans
la cour de la faculté de droit où on peut toujours les
voir. L’urbanisme d’alors avait parfois priorité sur le
respect et la mise en valeur du patrimoine architectural
malgré l’immense mouvement de sauvegarde engagé par
Napoléon III à cette époque.
Classé
à
l’inventaire des Monuments Historiques en 1840,
l’édifice fut
l’objet
d’importants travaux de restauration au XIXème
siècle. De 1845 à 1850 la charpente, la toiture et le
mur sud furent repris, le frontispice de la façade fut
repris en sous-œuvre et certains éléments furent
remplacés. La verrière de la façade fut refaite en 1851.
Au
XXème
siècle la dégradation des pierres de la façade
s’accélère sous l’action de cristaux de sel qui
transforment le calcaire en gypse, appelé usuellement
pierre à plâtre, qui perd l’essentiel des propriétés
mécaniques de la pierre d’origine. La cause est en
partie la pollution atmosphérique et probablement aussi
la présence d’échoppes et d’entrepôts de sel durant
plusieurs siècles au pied des murs. Le blocage
constituant les murs a été repris sur 7 mètres de
hauteur avec dessalement des pierres, nettoyage de la
façade et remplacement de quelques sculptures devenues
informes. Le clocher fut restauré de 1910 à 1914.
Nous
associons
presque naturellement le caractère de vestige du passé
d’une construction, quelle qu’elle soit, avec l’aspect
des pierres apparentes nues. Au Moyen Âge les églises
étaient peintes, la communauté des historiens en est de
plus en plus convaincue. Sous une impression
d’homogénéité apparente, Notre-Dame la Grande nous offre
simultanément trois aspects. Le décor peint de la nef en tons
neutres et mornes date
de
1851. Les
colonnes
du chœur ont été décapées conformément au goût de
l’époque, en 1931, mais il a été arrêté à cause du très
mauvais état de la pierre. Par contre les peintures de
la voûte du chœur qui datent du XIIIème
siècle, ont été décapées de l’enduit qui les recouvrait
depuis des siècles et restaurées en 1852 avec beaucoup
de discrétion.
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