|
LA
PLATE-BANDE
Très
tôt
dans le développement de l’art de bâtir l’Homme a
cherché à utiliser la pierre pour couvrir les édifices
parce qu’elle résiste aux incendies, aux intempéries et
qu’elle
est
imputrescible.
La
pierre
a été utilisée depuis très longtemps pour ériger des
murs, parfois colossaux comme les murs cyclopéens de la
Grèce antique, ou des empilements gigantesques comme les
pyramides égyptiennes parce qu’elle offre une énorme
résistance à la pression.
Les
pierres
les plus résistantes comme le granit peuvent supporter
sans se briser des pressions jusqu’à 1000
kg
/ cm2 alors qu’elles se rompent sous une traction de 40
kg / cm2. En
contrepartie
la
pierre est très lourde, beaucoup plus lourde que le bois,
de
l’ordre
de
2 500 kg / m3 pour le granit contre 700 kg / m3 pour le
chêne).
L’utilisation
de
la plate bande en pierre pour traverser l’espace s’est
limitée
à relier
entre
elles deux colonnes proches
l’une de l’autre comme dans
les temples égyptiens, grecs ou romains. On
l’appelle
alors architrave.
|
Dès
que
la distance augmente la plate bande se brise sous son
propre poids. Une plate-bande en pierre n’a pas la
capacité comme une poutre en bois de se déformer sous
l’effet d’un effort tranchant tout en conservant une
bonne résistance, elle se brise.
L’épaissir
pour
augmenter sa résistance à la flexion ne fait
qu’augmenter son poids et aggraver le phénomène. C’est
pour cela que la pierre plate n’est jamais utilisée pour
couvrir des espaces importants.
|
L'ARC
EN PIERRE
L’invention
du
principe de l’arc en pierre a été pour la construction
une invention aussi féconde qu’a été la roue d’abord
pour le transport des personnes et des marchandises puis
par
l’invention de la poulie
pour
transmettre des forces dans des orientations différentes
ou pour les démultiplier.
L’arc
en
pierre
permet
de traverser
l’espace
avec des pierres de petites dimensions réparties selon
une courbe qui relie les deux extrémités de l’espace à
couvrir de façon à ce que ces pierres s’arc boutent les
unes contre les autres et soient ainsi en équilibre.
Elles ne sont soumises qu’à des forces de pression
les
unes sur les autres.
On
perçoit
intuitivement que, du fait de sa forme trapézoïdale,
chaque pierre est "coincée" entre ses voisines du dessus
et du dessous. Malgré son poids qui l’entraîne vers le
bas elle ne peut pas glisser.
Ces
pierres
s’appellent des voussoirs ou des claveaux.
|
Un
arc
se construit de bas en haut et il n’est en équilibre que
lorsqu’on a placé le claveau du sommet que l’on appelle
la clé.
La
construction
d’un arc en pierre nécessite un travail préalable de
charpenterie pour soutenir les pierres tant que l’arc
n’est pas complet. Le schéma ci-dessous
montre
le
principe du cintre en
bois qui supporte les
pierres pendant la construction de l’arc.
|
Une
fois
les claveaux et la clé mis en place, l’enlèvement du
cintre que l'on appelle décintrage, est une
opération délicate qui s’effectue lentement en prenant
de multiples précautions. Le cintre est descendu
lentement en supprimant une à une les cales qui le
maintenait en position afin de permettre aux pierres de
s’ajuster progressivement les unes aux autres jusqu’à ce
que l’équilibre final soit atteint.
Le
principe
élémentaire de l’arc en pierre – soumettre les pierres
uniquement à des forces de pression – est à la base de
toutes les techniques de voûtement qui seront utilisées
pour l’architecture médiévale et au-delà : voûtes en
berceau, coupoles, voûtes en arête et en ogive.
Les
architectes
constructeurs médiévaux ont fait un usage intensif du
principe de l’arc et de la voûte dans toutes les parties
des édifices.
Durant
près
de trois siècles ils n’ont cessé d’innover pour
perfectionner ce dispositif et aboutir aux merveilles
architecturales que nous connaissons.
LES
CONDITIONS D’ÉQUILIBRE D’UN ARC : LA POUSSÉE
Alors
qu’une
poutre en bois exerce une poussée verticale sur les murs
qui la soutiennent, un arc exerce, en plus de la poussée
verticale due à son poids, une poussée latérale sur les
murs qui le soutiennent.
Voici
une
explication intuitive de la poussée horizontale exercée
par un arc sur les supports qui le soutiennent.
Imaginons
un
demi arc, c'est-à-dire un quart de cercle, taillé dans
une seule pierre que l’on pose au sol sur une de ses
section, comme représenté ci-dessous.
Sous
l’effet
de son poids il va basculer comme l’illustre le schéma
ci-dessous.
|
Si
on exerce une poussée horizontale à son extrémité
supérieure, comme le montre le schéma ci dessous,
celle-ci va s’opposer à l’influence du poids et faire se
redresser l’arc qui va pivoter jusqu’à revenir
à sa position initiale
|
Les
forces se transmettent dans l’arc
en
pierre que l’on
suppose indéformable
jusqu’à la surface de contact au sol.
A
la surface de contact au sol les deux forces, son poids
et la poussée horizontale pour le maintenir en
équilibre, vont se combiner pour donner une force
résultante représentée en noir sur le schéma ci-dessus.
Cette
force
inclinée
aura
tendance
à
écarter le membre qui soutient ce demi arc arc que ce
soit une pile ou
un
mur.
Un
arc en demi cercle peut être considéré comme deux demi
arcs qui s’arc boutent l’un contre l’autre.
|
A
la clé de l’arc les deux poussées horizontales de même
valeur mais de sens opposé s’annulent et par conséquent
la clé est à l’équilibre.
Leurs
effets s’annulent à la clé mais les forces ne
disparaissent pas et se transmettent jusqu’aux
deux points d’appui
de
l’arc, ainsi que les
deux poids
verticaux.
En
ces
endroits
la
poussée se combine avec le poids pour donner une force
résultante inclinée qui a tendance à écarter les murs ou
les piles qui soutiennent
l’arc.
|
RESISTER
AUX POUSSÉES
Les
supports qui soutiennent un arc ou une voûte (piles ou
murs) doivent être conçus pour résister aux poussées
latérales qui tendront à les écarter et entraîner la
ruine de l’arc ou de la voûte.
La
stabilité d’une voûte en berceau est assurée par
l’épaisseur des murs qui la soutiennent. Pour une même
dimension de voûte (portée et longueur) plus l’édifice
est haut, plus le mur doit être épais. Les schémas
ci-dessous illustrent ce principe de façon simpliste
mais ne constituent pas une démonstration.
|
La
force
résultante oblique R du poids de la voûte qui agit
verticalement et de la poussée latérale qui agit
horizontalement suit une ligne d’action oblique.
Pour
que
l’édifice soit en équilibre cette ligne d’action ne doit
pas "sortir" du mur. Si elle "sort" on sent
intuitivement que soit le mur bascule soit il se
déchire.
Pour
une
même portée, donc un même poids, plus la voûte est
située en hauteur, plus les murs doivent être épais.
Dans
notre
modèle extrêmement rudimentaire et purement géométrique,
si on multiplie la hauteur de la voûte par rapport au
sol par 2 il faudrait augmenter l’épaisseur du mur par 2
pour que l’édifice conserve son équilibre.
|
Notre
modèle
n’a pour but que d’expliquer les principes physiques qui
agissent sur l’équilibre d’un édifice. Il est bien
évidemment totalement insuffisant pour calculer les
dimensions des différents composants d’un édifice pour
que celui-ci soit en équilibre.
Ces
schémas
et le raisonnement associé sont bien évidemment
extrêmement réducteurs mais ils représentent très
grossièrement les lois qui gouvernent la réalité.
N’oublions
pas
qu’à
l’époque médiévale les architectes-ingénieurs n’avaient
comme référence que leur bon sens, leur expérience, et
les expérimentations qu’ils menaient. Les modèles
mathématiques de la statique du solide et de la
résistance des matériaux ainsi que les techniques de la
statique graphique n’existaient pas, même à l’état
embryonnaire.
Aussi
nous
complétons
cette
approche dans le dernier chapitre de cette page.
|
En
conclusion, plus l’édifice est élevé, plus le mur doit
être épais. Plus l’édifice est large, plus la portée de
la voûte est grande, plus son poids est élevé, plus les
murs doivent être épais.
Or
plus
le mur est épais, plus il nécessite de pierres et plus
il coûte cher. A l’époque médiévale la composante
principale du coût de la construction d’un édifice
religieux était le coût de la pierre essentiellement
impacté par le
coût
du transport dont on imagine facilement les difficultés
compte tenu des voies de communication
rudimentaires,
des
moyens de transport primaires
et du
poids
des marchandises à transporter.
Par
conséquent
les constructeurs ont été dans la nécessité d’innover
pour développer d’autres solutions pour alléger les murs
tout en conservant leur performance : construire
différemment pour construire plus haut,
plus
large et plus lumineux.
|
L’ARC
DE DÉCHARGE
La
fonction
d’’arc de décharge est de soutenir une charge surélevée
en déviant les forces verticales qui s’exercent sur
l’arc jusqu’à
sa naissance où exercent
une
force verticale,
le
poids, et
une
poussée horizontale.
Le
poids
du mur supérieur pèse sur l’arc de décharge qui va
progressivement dévier la charge vers la naissance de
l’arc où elles exercent une force verticale et une
poussée horizontale absorbée par la partie adjacente du
mur inférieur.
|
Dans
le
cas d’une succession d’arcades les poussées latérales de
deux arcs adjacents, de même intensité mais de sens
opposés, s’annulent. Le poids du mur supérieur est
totalement transmis au sol par les piles sur lesquelles
reposent les arcs.
La
partie
de mur située sous l’arc de décharge peut être soit
évidée pour ménager une ouverture soit très fortement
allégée (affamée comme disent les spécialistes en
architecture) puisqu’elle devient une simple cloison
sans fonction de soutien.
|
Dans
le
cas d’un portail ou d’une porte, l’archivolte,
c(est-à-dire le voussoir supérieur, joue le rôle d’arc
de décharge. Dans le cas d’une rosace, le demi arc
supérieur fait fonction d’arc de décharge.
|
Ainsi
une
élévation gothique à 4 niveaux (arcades, tribunes,
triforium, fenêtres hautes) est un savant assemblage
d’arcs de décharge empilés les uns sur les autres pour
reporter tout les poids des voûtes sur les piles des
grandes arcades avec élégance, permettant ainsi de
supprimer les murs et les remplacer par des vitraux.
Dans l’exemple ci-dessus de Notre-Dame en Vaux (Châlons
en Champagne en Haute-Marne) le mur commence à
disparaître au profit d’ouvertures qui apportent la
lumière.
|
ÉQUILIBRE
STATIQUE
ET ÉQUILIBRE
DYNAMIQUE
LES
FORCES SE PROPAGENT DANS LA MATIÈRE
Le
modèle
simpliste que nous avons utilisé explique très
sommairement ce qu’on appelle l’équilibre statique des
solides, c’est-à-dire comment les forces s’équilibrent.
Ce
modèle
prend l’hypothèse que les forces se propagent en ligne
droite depuis leur point d’application dans la
directions où elles agissent. Il suppose que la matière
où se propage la force, soit parfaitement homogène,
qu’elle soit isotrope c’est-à-dire qu’elle ait les mêmes
propriétés mécaniques dans toutes les directions et
qu’elle soit parfaitement indéformable quelle que soit
l’intensité de la force.
Les
forces s’équilibrent
globalement parce que leurs effets antagonistes
s’annulent et donc l’ensemble de la construction est
stable.
Dans
ce
modèle appliqué à un arc en pierre constitué de claveaux
qui se contrebutent les uns les autres, la propagation
de la poussée latérale exercée par la demi-arc de gauche
se combine avec le poids de chaque claveau pour être
transmise jusqu’à la base du demi arc de droite comme
l’illustre le schéma ci-dessous.
|
Dans
le
schéma pédagogique ci-dessus la courbe le long de
laquelle les forces résultants se transmettent dans la
pierre est symbolisée par la courbe pointillée en rouge
qui chemine au centre des claveaux. C’est la courbe de
pression.
Mais
la
réalité est plus complexe, car ce que j’ai décrit
ci-dessus au niveau des claveaux se passe en chaque
point de la matière.
La
pierre
est un matériau hétérogène. Les voussoirs, même s’ils
proviennent de la même carrière, ne proviennent pas des
mêmes bancs. La résistance de la pierre à la pression
est plus élevé dans le sens perpendiculaire au lit de
carrière que dans le sens du lit de pose, sens dans
lequel sont posés les claveaux. Le mortier qui les
joint, destiné à répartir le plus uniformément possible
la pression exercée sur la surface de contact et non à
les maintenir ensemble, est lui aussi très hétérogène.
|
Le
chemin
que suit la force dépend donc de la forme du solide et
de son homogénéité.
C’est
pourquoi
la courbe de pression réelle n’est pas située au centre
des claveaux comme nous l’avons représenté ci-dessus.
Vers
la
fin du XVIIème
siècle, le scientifique anglais Robert Hooke démontre
que la courbe formée par une chaînette en suspension
donne, en inversée, la forme d’un arc idéal en
maçonnerie qui suit parfaitement la courbe de pression.
Hooke
a
aussi démontré qu’un arc est dans un équilibre stable si
la courbe de pression reste toujours située entre
l’intrados et l’extrados de l’arc. L’arc ci-dessous est
suffisamment épais, donc il est stable.
|
Lorsque
l’arc
n’est pas suffisamment épais, la courbe de pression
s’approche trop des limites et, lorsqu’elle en sort, les
mécanismes de ruine de l’arc se déclenchent avec la
formation de charnières où les claveaux se disloquent,
comme l’illustrent les deux schémas ci-dessous.
|
Dans
une
voûte en
maçonnerie
appareillée (voir
l’explication
dans la fiche
Technique
de construction de la voûte en berceau) la
ligne de pression est relativement régulière et proche
d’une chaînette inversée, ce qui a permis aux
architectes médiévaux de
construire
des voûtes de plus en plus légères en utilisant des
voussoirs très minces de quelques dizaines de
centimètres d’épaisseur.
Les
voûtes
en blocage sont beaucoup plus hétérogènes
et donc la ligne de pression sera beaucoup moins
régulière. La stabilité sera donc obtenue par une plus
grande épaisseur et, par conséquent, un poids plus grand
qui en limitera la portée possible.
|
LA
RESISTANCE DES MATÉRIAUX (RdM)
La
Résistance
des Matériaux est une discipline de la physique du
solide qui étudie comment la matière réagit sous l’effet
de contraintes et comment elle se déforme. Sous l’effet
des forces, les déformations sont parfois visibles,
comme une poutre en bois qui s’incurve sous l’effet d’un
poids, mais le plus souvent elles sont invisibles. La RdM
permet de calculer les contraintes et les déformations
dans la matière pour déterminer les limites jusqu’à la
rupture quand les sollicitations dépassent la résistance
du matériau ou ses limites élastiques.
La
RdM
permet ainsi de dimensionner au juste nécessaire les
éléments d’une structure. Développée au XIXème
siècle, cette discipline a permis l’explosion
technologique dans la construction métallique car les matériaux
utilisés, fer ou acier, sont homogènes, isotropes et
leurs caractéristiques sont connues avec précision.
L’application aux ouvrages en maçonnerie est plus
délicate et beaucoup moins précise du fait de la grande
hétérogénéité des matériaux utilisés, de leur grande
diversité et de la difficulté d’en mesurer les
caractéristiques.
A
la fin du XIXème
siècle lors des premières applications de la RdM
pour le calcul du dimensionnement des maçonneries, un
coefficient de sécurité de 3 était appliqué pour tenir
compte de l’imprécision des calculs et de l’incertitude
concernant les caractéristiques réelles des matériaux.
Ce coefficient avait été établi en comparant les
résultats de calculs théoriques avec la réalité observée
sur des ponts construits sans le recours à la RdM
et dont les faits avaient prouvé leur solidité.
LES
CATHÉDRALES
BOUGENT
Nos
cathédrales,
comme tous les audacieux édifices en pierre, bougent en
permanence sous l’effet des mouvements du sol, du vent
et des intempéries. Ils bougent mais ils restent en
équilibre : c’est l’équilibre dynamique. C’est grâce à
l’équilibre dynamique qu’ils ont pu et pourront
affronter le temps.
La
dégradation
des matériaux avec le temps, comme la maladie de la
pierre, hélas irréversible, provoque la ruine de
l’édifice lorsque l’équilibre dynamique est rompu.
Les
architectes
et les maçons du Moyen Âge ignoraient cet aspect de la
construction mais leur bon sens les ont guidé pour
construire robuste tout en allégeant pas à pas les
structures comme nous l’observons dans la progression
depuis l’époque romane jusqu’au gothique parfaitement
maîtrisé.
Viollet
le
Duc avait pressenti cette propriété mais n’ayant pas de
formation scientifique et ne connaissant pas la RdM
qui était en gestation, il l’a exprimée avec beaucoup de
maladresses qui lui valurent les assauts de Pol Abraham
un siècle plus tard (voir la bibliographie).
De
nos
jours la RdM
permet de calculer les conditions pour que l’équilibre
dynamique soit conservé au sein de tout solide sollicité
par des contraintes.
Il
est
parfois écrit dans la littérature que les voûtes en
blocage exercent peu de poussées latérales car elles
forment une coque indéformable alors que dans les voûtes
appareillées les pierres se transmettent les poussées
les unes aux autres. C’est faux ! Une voûte en blocage
exerce les mêmes poussées latérales qu’une voûte
appareillée de même poids.
En
fait
dans une voûte en blocage les pierres de formes très
irrégulières sont entassées de façon plutôt désordonnée.
La courbe de pression aura une forme hasardeuse par
rapport à la géométrie de la voûte. C’est pour cela que
ces voûtes sont beaucoup plus épaisses que les voûtes
appareillées où les voussoirs peuvent n’avoir que 10 ou
20 centimètres d’épaisseur.
|
LA
CHAÎNETTE
ET L’ARC EN TIERS POINT
Les
architectes
du
Moyen Âge ainsi que leurs prédécesseurs
avaient constaté
qu'une chaîne
suspendue à deux points prenait toujours la même forme
caractéristique, une sorte de U légèrement évasé.
|
Cette
courbe
bien connue des mathématiciens et des physiciens
s’appelle
une
chaînette. Son équation et ses propriétés ont été
découvertes par de grands mathématiciens au XVIIème
siècle (Bernouilli,
Leibnitz et Huygens). Elle représente la forme stable
que la nature donne à l’ensemble des maillons articulés
entre eux. Cette forme permet aux tensions que les
maillons exercent entre eux,
du
fait de leur poids,
de
s’équilibrer.
Si vous perturbez cet équilibre, la chaîne va reprendre
naturellement sa forme initiale.
Les
architectes
médiévaux ne connaissaient pas la géométrie analytique,
ni les équations, ni la représentation vectorielle des
forces. Mais, tout comme nous, Hommes du XXIème
siècle, ils savaient observer, raisonner, induire,
déduire, innover, essayer, tester.
Bref ils
avaient
le même niveau d’intelligence que nous. Ils pouvaient
donc reproduire cette courbe à l’aide d’un stylet sur un
parchemin placé verticalement devant une chaîne
suspendue à deux points. Une fois tracée, ils pouvait
retourner la courbe qui ressemble alors à un arc.
Ils
pouvaient
raisonnablement réfléchir à la similitude des situations
entre la chaîne articulée et l’arc en pierre. Dans un
cas les tensions sont uniformément réparties entre les
maillons, elles se propagent jusqu’aux attaches de la
chaîne qui est toujours en équilibre. Par symétrie dans
un arc ayant la forme d’une chaînette inversée les
claveaux uniformément chargés exercent des pressions les
uns sur les autres jusqu’à la naissance de l’arc qui
sera toujours en équilibre.
|
Nos
architectes
médiévaux sans diplômes, mais intelligents, ont peut
être recherché de manière empirique comment, avec la
règle et le compas, ils pouvaient dessiner une courbe
qui se rapproche le plus du dessin de la chaînette.
|
L’architecture
gothique
a
développé
les
arcs
brisés
formés par deux segments d’arcs de cercle symétriques.
Voici les principales formes d’arcs brisés utilisés par
les architectes gothiques. La construction géométrique,
très simple, est illustrée dans les schémas ci-dessous
par les proportions à respecter pour placer le centre
des cercles des cercles constituant l’arc brisé. L’arc
plein cintre est rappelé pour comparaison.
|
Parmi
ceux-ci
l’arc en tiers-point est le plus utilisé, que ce soit
pour les fenêtres mais aussi les arcs doubleaux, les
arcs formerets ou les ogives.
Voici
comparées
les deux courbes d’un arc en tiers-point (en bleu) et
d’une chaînette inversée (en rouge) ayant une même
portée et une même flèche. En gris nous avons
approximativement représenté ce que pourrait être l’arc
en tiers-point minimum qui contiendrait la courbe de
pression et donc d’être stable.
|
La
coïncidence
est
surprenante et ne saurait-être le fruit du hasard ! Ce
n’est pas parce que nos ancêtres ignoraient les
équations mathématiques qu’ils étaient dénués de
jugement et ne pouvaient pas obtenir des résultats par
l’expérimentation pragmatique.
La
réalité
du
calcul
de
l’équilibre
des
structures
est,
hélas,
plus
complexe
car la théorie qui vient au secours de la pratique se
heurte, dans le cas des maçonneries, à l’hétérogénéité
des matériaux utilisés et à la difficulté, voire
l’impossibilité, de connaître les paramètres de la
pierre au niveau microscopique. La vulgarisation des
techniques utilisées pour calculer la résistance des
structures n’est pas aisée.
|
ANTONI
GAUDI
(1852
– 1926)
Architecte
concepteur
et créateur de la Sagrada Familia à Barcelone, Antoni
Gaudi a toujours exploré les formes géométriques
présentes dans la nature. Il a notamment exploité les
propriétés mécaniques de la courbe en chaînette pour
ériger les piliers de la Sagrada Familia en leur donnant
leur forme paraboloïde permettant de les mincir à
l’extrême tout en conservant une solide résistance parce
que la courbe de pression suit parfaitement la géométrie
du pilier.
|
(Source
www. www.serialpix.com)
|
|