Traversée de l'espace avec la pierre



























Cette fiche technique sur la traversée de l’espace par la pierre regroupe plusieurs articles auxquels il sera fait référence tout au long du parcours Roman-Gothique.


-    La plate-bande  (architrave)

-    L'arc en pierre

-    Les conditions d'équilibre d'un arc : la poussée

-    Résister aux poussées

-    L’arc de décharge

-    Équilibre statique et équilibre dynamique

-    La chaînette et l'arc en tiers-point




LA PLATE-BANDE


Très tôt dans le développement de l’art de bâtir l’Homme a cherché à utiliser la pierre pour couvrir les édifices parce qu’elle résiste aux incendies, aux intempéries et qu’elle est imputrescible. 

La pierre a été utilisée depuis très longtemps pour ériger des murs, parfois colossaux comme les murs cyclopéens de la Grèce antique, ou des empilements gigantesques comme les pyramides égyptiennes parce qu’elle offre une énorme résistance à la pression.

Les pierres les plus résistantes comme le granit peuvent supporter sans se briser des pressions jusqu’à 1000 kg / cm2 alors qu’elles se rompent sous une traction de 40 kg / cm2. En contrepartie la pierre est très lourde, beaucoup plus lourde que le bois, de l’ordre de 2 500 kg / m3 pour le granit contre 700 kg / m3 pour le chêne).

L’utilisation de la plate bande en pierre pour traverser l’espace s’est limitée à relier entre elles deux colonnes proches l’une de l’autre comme dans les temples égyptiens, grecs ou romains. On l’appelle alors architrave.




Dès que la distance augmente la plate bande se brise sous son propre poids. Une plate-bande en pierre n’a pas la capacité comme une poutre en bois de se déformer sous l’effet d’un effort tranchant tout en conservant une bonne résistance, elle se brise.

L’épaissir pour augmenter sa résistance à la flexion ne fait qu’augmenter son poids et aggraver le phénomène. C’est pour cela que la pierre plate n’est jamais utilisée pour couvrir des espaces importants.





L'ARC EN PIERRE


L’invention du principe de l’arc en pierre a été pour la construction une invention aussi féconde qu’a été la roue d’abord pour le transport des personnes et des marchandises puis par l’invention de la poulie pour transmettre des forces dans des orientations différentes ou pour les démultiplier.


L’arc en pierre permet de traverser l’espace avec des pierres de petites dimensions réparties selon une courbe qui relie les deux extrémités de l’espace à couvrir de façon à ce que ces pierres s’arc boutent les unes contre les autres et soient ainsi en équilibre. Elles ne sont soumises qu’à des forces de pression les unes sur les autres.


On perçoit intuitivement que, du fait de sa forme trapézoïdale, chaque pierre est "coincée" entre ses voisines du dessus et du dessous. Malgré son poids qui l’entraîne vers le bas elle ne peut pas glisser.

Ces pierres s’appellent des voussoirs ou des claveaux.


        

Un arc se construit de bas en haut et il n’est en équilibre que lorsqu’on a placé le claveau du sommet que l’on appelle la clé.

La construction d’un arc en pierre nécessite un travail préalable de charpenterie pour soutenir les pierres tant que l’arc n’est pas complet. Le schéma ci-dessous montre le principe du cintre en bois qui supporte les pierres pendant la construction de l’arc.


     

Une fois les claveaux et la clé mis en place, l’enlèvement du cintre que l'on appelle décintrage, est une opération délicate qui s’effectue lentement en prenant de multiples précautions. Le cintre est descendu lentement en supprimant une à une les cales qui le maintenait en position afin de permettre aux pierres de s’ajuster progressivement les unes aux autres jusqu’à ce que l’équilibre final soit atteint.


Le principe élémentaire de l’arc en pierre – soumettre les pierres uniquement à des forces de pression – est à la base de toutes les techniques de voûtement qui seront utilisées pour l’architecture médiévale et au-delà : voûtes en berceau, coupoles, voûtes en arête et en ogive.

Les architectes constructeurs médiévaux ont fait un usage intensif du principe de l’arc et de la voûte dans toutes les parties des édifices.

Durant près de trois siècles ils n’ont cessé d’innover pour perfectionner ce dispositif et aboutir aux merveilles architecturales que nous connaissons.



LES CONDITIONS D’ÉQUILIBRE D’UN ARC : LA POUSSÉE

 

Alors qu’une poutre en bois exerce une poussée verticale sur les murs qui la soutiennent, un arc exerce, en plus de la poussée verticale due à son poids, une poussée latérale sur les murs qui le soutiennent.

Voici une explication intuitive de la poussée horizontale exercée par un arc sur les supports qui le soutiennent.

Imaginons un demi arc, c'est-à-dire un quart de cercle, taillé dans une seule pierre que l’on pose au sol sur une de ses section, comme représenté ci-dessous.

Sous l’effet de son poids il va basculer comme l’illustre le schéma ci-dessous.


    

Si on exerce une poussée horizontale à son extrémité supérieure, comme le montre le schéma ci dessous, celle-ci va s’opposer à l’influence du poids et faire se redresser l’arc qui va pivoter jusqu’à revenir à sa position initiale




Les forces se transmettent dans l’arc en pierre que l’on suppose indéformable jusqu’à la surface de contact au sol.

A la surface de contact au sol les deux forces, son poids et la poussée horizontale pour le maintenir en équilibre, vont se combiner pour donner une force résultante représentée en noir sur le schéma ci-dessus.

Cette force inclinée aura tendance à écarter le membre qui soutient ce demi arc arc que ce soit une pile ou un mur.


Un arc en demi cercle peut être considéré comme deux demi arcs qui s’arc boutent l’un contre l’autre.


    

A la clé de l’arc les deux poussées horizontales de même valeur mais de sens opposé s’annulent et par conséquent la clé est à l’équilibre.

Leurs effets s’annulent à la clé mais les forces ne disparaissent pas et se transmettent jusqu’aux deux points d’appui de l’arc, ainsi que les deux poids verticaux. En ces endroits la poussée se combine avec le poids pour donner une force résultante inclinée qui a tendance à écarter les murs ou les piles qui soutiennent l’arc.






RESISTER AUX POUSSÉES


Les supports qui soutiennent un arc ou une voûte (piles ou murs) doivent être conçus pour résister aux poussées latérales qui tendront à les écarter et entraîner la ruine de l’arc ou de la voûte.

La stabilité d’une voûte en berceau est assurée par l’épaisseur des murs qui la soutiennent. Pour une même dimension de voûte (portée et longueur) plus l’édifice est haut, plus le mur doit être épais. Les schémas ci-dessous illustrent ce principe de façon simpliste mais ne constituent pas une démonstration.




La force résultante oblique R du poids de la voûte qui agit verticalement et de la poussée latérale qui agit horizontalement suit une ligne d’action oblique.

Pour que l’édifice soit en équilibre cette ligne d’action ne doit pas "sortir" du mur. Si elle "sort" on sent intuitivement que soit le mur bascule soit il se déchire.


Pour une même portée, donc un même poids, plus la voûte est située en hauteur, plus les murs doivent être épais.

Dans notre modèle extrêmement rudimentaire et purement géométrique, si on multiplie la hauteur de la voûte par rapport au sol par 2 il faudrait augmenter l’épaisseur du mur par 2 pour que l’édifice conserve son équilibre.

 

Notre modèle n’a pour but que d’expliquer les principes physiques qui agissent sur l’équilibre d’un édifice. Il est bien évidemment totalement insuffisant pour calculer les dimensions des différents composants d’un édifice pour que celui-ci soit en équilibre.


Ces schémas et le raisonnement associé sont bien évidemment extrêmement réducteurs mais ils représentent très grossièrement les lois qui gouvernent la réalité.

N’oublions pas qu’à l’époque médiévale les architectes-ingénieurs n’avaient comme référence que leur bon sens, leur expérience, et les expérimentations qu’ils menaient. Les modèles mathématiques de la statique du solide et de la résistance des matériaux ainsi que les techniques de la statique graphique n’existaient pas, même à l’état embryonnaire. Aussi nous complétons cette approche dans le dernier chapitre de cette page.




En conclusion, plus l’édifice est élevé, plus le mur doit être épais. Plus l’édifice est large, plus la portée de la voûte est grande, plus son poids est élevé, plus les murs doivent être épais.

Or plus le mur est épais, plus il nécessite de pierres et plus il coûte cher. A l’époque médiévale la composante principale du coût de la construction d’un édifice religieux était le coût de la pierre essentiellement impacté par le coût du transport dont on imagine facilement les difficultés compte tenu des voies de communication rudimentaires, des moyens de transport primaires et du poids des marchandises à transporter.

Par conséquent les constructeurs ont été dans la nécessité d’innover pour développer d’autres solutions pour alléger les murs tout en conservant leur performance : construire différemment pour construire plus haut, plus large et plus lumineux.



L’ARC DE DÉCHARGE


La fonction d’’arc de décharge est de soutenir une charge surélevée en déviant les forces verticales qui s’exercent sur l’arc jusqu’à sa naissance où exercent une force verticale, le poids, et une poussée horizontale.

Le poids du mur supérieur pèse sur l’arc de décharge qui va progressivement dévier la charge vers la naissance de l’arc où elles exercent une force verticale et une poussée horizontale absorbée par la partie adjacente du mur inférieur.


    

Dans le cas d’une succession d’arcades les poussées latérales de deux arcs adjacents, de même intensité mais de sens opposés, s’annulent. Le poids du mur supérieur est totalement transmis au sol par les piles sur lesquelles reposent les arcs.


La partie de mur située sous l’arc de décharge peut être soit évidée pour ménager une ouverture soit très fortement allégée (affamée comme disent les spécialistes en architecture) puisqu’elle devient une simple cloison sans fonction de soutien.

    

Dans le cas d’un portail ou d’une porte, l’archivolte, c(est-à-dire le voussoir supérieur, joue le rôle d’arc de décharge. Dans le cas d’une rosace, le demi arc supérieur fait fonction d’arc de décharge.

    


Ainsi une élévation gothique à 4 niveaux (arcades, tribunes, triforium, fenêtres hautes) est un savant assemblage d’arcs de décharge empilés les uns sur les autres pour reporter tout les poids des voûtes sur les piles des grandes arcades avec élégance, permettant ainsi de supprimer les murs et les remplacer par des vitraux. Dans l’exemple ci-dessus de Notre-Dame en Vaux (Châlons en Champagne en Haute-Marne) le mur commence à disparaître au profit d’ouvertures qui apportent la lumière.





ÉQUILIBRE STATIQUE ET ÉQUILIBRE DYNAMIQUE


LES FORCES SE PROPAGENT DANS LA MATIÈRE


Le modèle simpliste que nous avons utilisé explique très sommairement ce qu’on appelle l’équilibre statique des solides, c’est-à-dire comment les forces s’équilibrent.

Ce modèle prend l’hypothèse que les forces se propagent en ligne droite depuis leur point d’application dans la directions où elles agissent. Il suppose que la matière où se propage la force, soit parfaitement homogène, qu’elle soit isotrope c’est-à-dire qu’elle ait les mêmes propriétés mécaniques dans toutes les directions et qu’elle soit parfaitement indéformable quelle que soit l’intensité de la force. Les forces  s’équilibrent globalement parce que leurs effets antagonistes s’annulent et donc l’ensemble de la construction est stable.

Dans ce modèle appliqué à un arc en pierre constitué de claveaux qui se contrebutent les uns les autres, la propagation de la poussée latérale exercée par la demi-arc de gauche se combine avec le poids de chaque claveau pour être transmise jusqu’à la base du demi arc de droite comme l’illustre le schéma ci-dessous.




Dans le schéma pédagogique ci-dessus la courbe le long de laquelle les forces résultants se transmettent dans la pierre est symbolisée par la courbe pointillée en rouge qui chemine au centre des claveaux. C’est la courbe de pression.

Mais la réalité est plus complexe, car ce que j’ai décrit ci-dessus au niveau des claveaux se passe en chaque point de la matière.

La pierre est un matériau hétérogène. Les voussoirs, même s’ils proviennent de la même carrière, ne proviennent pas des mêmes bancs. La résistance de la pierre à la pression est plus élevé dans le sens perpendiculaire au lit de carrière que dans le sens du lit de pose, sens dans lequel sont posés les claveaux. Le mortier qui les joint, destiné à répartir le plus uniformément possible la pression exercée sur la surface de contact et non à les maintenir ensemble, est lui aussi très hétérogène.




Le chemin que suit la force dépend donc de la forme du solide et de son homogénéité.

C’est pourquoi la courbe de pression réelle n’est pas située au centre des claveaux comme nous l’avons représenté ci-dessus.


Vers la fin du XVIIème siècle, le scientifique anglais Robert Hooke démontre que la courbe formée par une chaînette en suspension donne, en inversée, la forme d’un arc idéal en maçonnerie qui suit parfaitement la courbe de pression.

Hooke a aussi démontré qu’un arc est dans un équilibre stable si la courbe de pression reste toujours située entre l’intrados et l’extrados de l’arc. L’arc ci-dessous est suffisamment épais, donc il est stable.






Lorsque l’arc n’est pas suffisamment épais, la courbe de pression s’approche trop des limites et, lorsqu’elle en sort, les mécanismes de ruine de l’arc se déclenchent avec la formation de charnières où les claveaux se disloquent, comme l’illustrent les deux schémas ci-dessous.


              

Dans une voûte en maçonnerie appareillée (voir l’explication dans la fiche Technique de construction de la voûte en berceau) la ligne de pression est relativement régulière et proche d’une chaînette inversée, ce qui a permis aux architectes médiévaux de construire des voûtes de plus en plus légères en utilisant des voussoirs très minces de quelques dizaines de centimètres d’épaisseur.

Les voûtes en blocage sont beaucoup plus hétérogènes et donc la ligne de pression sera beaucoup moins régulière. La stabilité sera donc obtenue par une plus grande épaisseur et, par conséquent, un poids plus grand qui en limitera la portée possible.




LA RESISTANCE DES MATÉRIAUX (RdM)

La Résistance des Matériaux est une discipline de la physique du solide qui étudie comment la matière réagit sous l’effet de contraintes et comment elle se déforme. Sous l’effet des forces, les déformations sont parfois visibles, comme une poutre en bois qui s’incurve sous l’effet d’un poids, mais le plus souvent elles sont invisibles. La RdM permet de calculer les contraintes et les déformations dans la matière pour déterminer les limites jusqu’à la rupture quand les sollicitations dépassent la résistance du matériau ou ses limites élastiques.


La RdM permet ainsi de dimensionner au juste nécessaire les éléments d’une structure. Développée au XIXème siècle, cette discipline a permis l’explosion technologique dans la construction métallique car les  matériaux utilisés, fer ou acier, sont homogènes, isotropes et leurs caractéristiques sont connues avec précision. L’application aux ouvrages en maçonnerie est plus délicate et beaucoup moins précise du fait de la grande hétérogénéité des matériaux utilisés, de leur grande diversité et de la difficulté d’en mesurer les caractéristiques.

A la fin du XIXème siècle lors des premières applications de la RdM pour le calcul du dimensionnement des maçonneries, un coefficient de sécurité de 3 était appliqué pour tenir compte de l’imprécision des calculs et de l’incertitude concernant les caractéristiques réelles des matériaux. Ce coefficient avait été établi en comparant les résultats de calculs théoriques avec la réalité observée sur des ponts construits sans le recours à la RdM et dont les faits avaient prouvé leur solidité. 



LES CATHÉDRALES BOUGENT

Nos cathédrales, comme tous les audacieux édifices en pierre, bougent en permanence sous l’effet des mouvements du sol, du vent et des intempéries. Ils bougent mais ils restent en équilibre : c’est l’équilibre dynamique. C’est grâce à l’équilibre dynamique qu’ils ont pu et pourront affronter le temps.

La dégradation des matériaux avec le temps, comme la maladie de la pierre, hélas irréversible, provoque la ruine de l’édifice lorsque l’équilibre dynamique est rompu.

Les architectes et les maçons du Moyen Âge ignoraient cet aspect de la construction mais leur bon sens les ont guidé pour construire robuste tout en allégeant pas à pas les structures comme nous l’observons dans la progression depuis l’époque romane jusqu’au gothique parfaitement maîtrisé.

Viollet le Duc avait pressenti cette propriété mais n’ayant pas de formation scientifique et ne connaissant pas la RdM qui était en gestation, il l’a exprimée avec beaucoup de maladresses qui lui valurent les assauts de Pol Abraham un siècle plus tard (voir la bibliographie).

De nos jours la RdM permet de calculer les conditions pour que l’équilibre dynamique soit conservé au sein de tout solide sollicité par des contraintes.


Il est parfois écrit dans la littérature que les voûtes en blocage exercent peu de poussées latérales car elles forment une coque indéformable alors que dans les voûtes appareillées les pierres se transmettent les poussées les unes aux autres. C’est faux ! Une voûte en blocage exerce les mêmes poussées latérales qu’une voûte appareillée de même poids.

En fait dans une voûte en blocage les pierres de formes très irrégulières sont entassées de façon plutôt désordonnée. La courbe de pression aura une forme hasardeuse par rapport à la géométrie de la voûte. C’est pour cela que ces voûtes sont beaucoup plus épaisses que les voûtes appareillées où les voussoirs peuvent n’avoir que 10 ou 20 centimètres d’épaisseur.



LA CHAÎNETTE ET L’ARC EN TIERS POINT

Les architectes du Moyen Âge ainsi que leurs prédécesseurs avaient constaté qu'une  chaîne suspendue à deux points prenait toujours la même forme caractéristique, une sorte de U légèrement évasé. 






Cette courbe bien connue des mathématiciens et des physiciens s’appelle une chaînette. Son équation et ses propriétés ont été découvertes par de grands mathématiciens au XVIIème siècle (Bernouilli, Leibnitz et Huygens). Elle représente la forme stable que la nature donne à l’ensemble des maillons articulés entre eux. Cette forme permet aux tensions que les maillons exercent entre eux, du fait de leur poids, de s’équilibrer. Si vous perturbez cet équilibre, la chaîne va reprendre naturellement sa forme initiale.

Les architectes médiévaux ne connaissaient pas la géométrie analytique, ni les équations, ni la représentation vectorielle des forces. Mais, tout comme nous, Hommes du XXIème siècle, ils savaient observer, raisonner, induire, déduire, innover, essayer, tester. Bref ils avaient le même niveau d’intelligence que nous. Ils pouvaient donc reproduire cette courbe à l’aide d’un stylet sur un parchemin placé verticalement devant une chaîne suspendue à deux points. Une fois tracée, ils pouvait retourner la courbe qui ressemble alors à un arc.

Ils pouvaient raisonnablement réfléchir à la similitude des situations entre la chaîne articulée et l’arc en pierre. Dans un cas les tensions sont uniformément réparties entre les maillons, elles se propagent jusqu’aux attaches de la chaîne qui est toujours en équilibre. Par symétrie dans un arc ayant la forme d’une chaînette inversée les claveaux uniformément chargés exercent des pressions les uns sur les autres jusqu’à la naissance de l’arc qui sera toujours en équilibre.


         

Nos architectes médiévaux sans diplômes, mais intelligents, ont peut être recherché de manière empirique comment, avec la règle et le compas, ils pouvaient dessiner une courbe qui se rapproche le plus du dessin de la chaînette.




L’architecture gothique a développé les arcs brisés formés par deux segments d’arcs de cercle symétriques. Voici les principales formes d’arcs brisés utilisés par les architectes gothiques. La construction géométrique, très simple, est illustrée dans les schémas ci-dessous par les proportions à respecter pour placer le centre des cercles des cercles constituant l’arc brisé. L’arc plein cintre est rappelé pour comparaison. 


                   



         






Parmi ceux-ci l’arc en tiers-point est le plus utilisé, que ce soit pour les fenêtres mais aussi les arcs doubleaux, les arcs formerets ou les ogives.


Voici comparées les deux courbes d’un arc en tiers-point (en bleu) et d’une chaînette inversée (en rouge) ayant une même portée et une même flèche. En gris nous avons approximativement représenté ce que pourrait être l’arc en tiers-point minimum qui contiendrait la courbe de pression et donc d’être stable.



La coïncidence est surprenante et ne saurait-être le fruit du hasard ! Ce n’est pas parce que nos ancêtres ignoraient les équations mathématiques qu’ils étaient dénués de jugement et ne pouvaient pas obtenir des résultats par l’expérimentation pragmatique.


La réalité du calcul de l’équilibre des structures est, hélas, plus complexe car la théorie qui vient au secours de la pratique se heurte, dans le cas des maçonneries, à l’hétérogénéité des matériaux utilisés et à la difficulté, voire l’impossibilité, de connaître les paramètres de la pierre au niveau microscopique. La vulgarisation des techniques utilisées pour calculer la résistance des structures n’est pas aisée.




ANTONI GAUDI (1852 – 1926)

Architecte concepteur et créateur de la Sagrada Familia à Barcelone, Antoni Gaudi a toujours exploré les formes géométriques présentes dans la nature. Il a notamment exploité les propriétés mécaniques de la courbe en chaînette pour ériger les piliers de la Sagrada Familia en leur donnant leur forme paraboloïde permettant de les mincir à l’extrême tout en conservant une solide résistance parce que la courbe de pression suit parfaitement la géométrie du pilier.



(Source www. www.serialpix.com)