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DÉFINITION
TECHNIQUE
La
voûte
d’ogive reprend le principe de la voûte d’arête avec
quatre voûtains qui prennent appui sur six arcs et
s'arcboutent deux à deux :
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Deux ogives qui sont les deux arcs diagonaux qui
serviront de support aux arêtes lors de la construction
des voûtains.
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Deux arcs doubleaux perpendiculaires à l’axe de la nef
qui supportent les deux voûtains situés dans l’axe de la
nef.
-
Deux arcs formerets adossés aux murs gouttereaux qui
sont parallèles à l’axe de la nef. On les appelle
formeret parce qu’ils délimitent la forme des deux
voûtains perpendiculaires à l’axe de la nef.
Les
six
arcs en pierre sont des
arcs de
cercles, pour réaliser un arc plein-cintre (en général
pour l’ogive) ou des
arcs
brisés (généralement
pour
les doubleaux et les formerets). Les techniques pour
tracer et réaliser ce type d’arcs étaient alors
totalement maîtrisées.
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Une
fois
cette ossature assemblée et consolidée, c’est-à-dire
mortier pris et décoffrage réussi, on peut alors
entreprendre la construction des quatre voûtains
triangulaires qui seront soutenus par des structures
déjà stables et robustes.
Les
malheureuses
destructions causées par le vandalisme économique du
XIXème siècle ont parfois mis au jour des situations qui
nous éclairent pour mieux comprendre le savoir et
l’intelligence des architectes et des maçons de l’époque
comme en témoignent les ruines de l’abbaye d’Ourscamp
dans l’Oise.
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Le
détail
ci-dessous montre l’arête soulagée de l’ogive qui a été
partiellement démontée. La taille des voussoirs arêtier
est rudimentaire surtout pour l’arête de droite, ce qui
en réduit la robustesse.
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LES
DIFFÉRENTS TYPES DE VOÛTES D’OGIVE
La
technique ogivale ouvre la voie à la construction de
voûtes de plus en plus sophistiquées qui mettent
en œuvre plus que six arcs.
Voûte
quadripartite
La
voûte
que nous avons montrée ci-dessus s’appelle voûte
quadripartite car elle forme quatre compartiments
c’est-à-dire
quatre
parties qui reposent sur quatre piliers. Voici deux
exemples de voûtes
quadripartites,
l’église
de
Cambronne lès Clermont
du XIIème
siècle et la cathédrale
Notre
Dame de Chartes
du XIIIème
siècle. Le principe est
le
même
mais l’esthétique est bien différente grâce
aux progrès dus aux améliorations des
techniques
de
réalisation.
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Voûte
quadripartite Cambrone
lès Clermont
(60)
Voûte
quadripartite Chartres (28)
Voûte
sexpartite
Un
voûte
est dite sexpartite lorsqu’elle est formée de six
compartiments reposant sur six piliers. La voûte de la
cathédrale Notre Dame de Senlis
illustre
la
comparaison d'une voûte sexpartite avec deux voûtes
quadripartites situées à sa gauche. L’image de la
voûte de la cathédrale Notre Dame de Noyon
met
en évidence une caractéristique du voûtement sexpartite.
Chaque grand voûtain est supporté par un arc doubleau
soutenu par des piliers dénommés
piliers
forts
alors
que
l’ogive transversale repose sur des piliers
faibles
car elle est moins sollicitée.
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Voûte
sexpartite Senlis
(60)
Voûte
sexpartite Laon
(60)
Voûte
octopartite
Enfin,
plus
rarement, ont été construites des voûtes octopartites,
huit compartiments reposant sur quatre ogives et huit
piliers. En voici deux exemples avec l’église Notre Dame
de l’Assomption à Voulton et Saint Quiriace
à Provins.
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Voûte
octopartite
Voulton
(77)
Voûte
octopartite
Provins
(77)
Voûte
avec liernes et tiercerons
Vers
la
fin du XIIIème
siècle une nouvelle technique est apparue, largement
développée en Angleterre, les voûtes avec liernes et
tiercerons. Des nervures viennent compléter les ogives,
multipliant ainsi le nombre de compartiments.
Une
lierne
est une nervure qui part de la clé de voûte jusqu’aux
doubleaux
et
aux
formerets,
divisant
ainsi
chaque voûtain en deux parties symétriques.La voûte est
alors divisée en huit parties.
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Moulhierne
(49)
La
lierne
peut s’arrêter avant les formerets et les doubleaux. Des
arcs tiercerons relient alors les extrémités des liernes
aux extrémités de la voûte.
La voûte est alors divisée en douze parties.
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Moulhierne
(49)
Les
voûtes
de l’église Saint Eustache à Paris dont la nef a été
reconstruite au début du XVIème
siècle, offrent une belle illustration de ce type de
voûtement.
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CONSTRUCTION
DE LA VOÛTE
D’OGIVE
La
construction d’une voûte d’ogive procède en trois étapes
:
-
Mise
en
place
des
cintres
en
bois
destinés
à
étayer
la
constitution
des
arcs
en
pierre,
ogives,
doubleaux et formerets. La fabrication de ces cintres en
demi-cercle (arc plein cintre) ou en arcs de cercle
(arcs brisés) à l’aide d’un pieu et d’un cordeau était
totalement maîtrisée.
-
Montage et assemblage des arcs en pierre, prise du
mortier puis
léger décintrage pour que les ossatures en pierre
trouvent leur position d’équilibre.
-
Constitution des voûtains qui sont soutenus par les
armatures en pierre que constituent les ogives,
doubleaux et formerets et s’arcboutent entre eux pour
s’équilibrer deux à deux.
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Dessin
Roland Bechmann
Cette
technique
de construction permet de couvrir tout type de surface
polygonale comme le carré ou le rectangle dont
sont
constitués
les
nefs,
les
transepts,
les collatéraux et les chœurs, comme le trapèze dans les
déambulatoires,
mais
aussi
les surfaces semicirculaires des absides ou encore des
rotondes comme à Ferrières en Gâtinais.
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Cathédrale
de
Soissons (02)
Les
Andelys (27)
Vetheuil
(95)
Ferrière en
Gâtinais
(45)
Comme
nous
l’avons évoqué dans la présentation de notre parcours
Roman-Gothique, la résolution d’un problème apporte de
nouvelles difficultés qu’il faut surmonter pour
résoudre, à leur tour, les nouvelles difficultés. C’est
le cas de l’ogive. Ces cintres diagonaux, robustes et
faciles à construire, qui soutiennent les arêtes,
imposent aux voûtains une configuration plus complexe
qu’une portion de demi cylindre ou de cône. C’est une
surface dite non
développable
ou encore surface
gauche.
En voici quelques exemples :
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Mantes
la Jolie – Notre Dame (78)
Vétheuil (78)
Par
conséquent,
le couchis constitué d’un assemblage de lattes de bois
qui vont soutenir les pierres ou le blocage du voûtain
durant sa construction doit avoir la forme complexe
imposée par les ogives. Comment les architectes
médiévaux réalisaient-ils, avec la règle et le compas,
des surfaces aussi complexes ? Nous l’ignorons car
aucune archive, écrite ou dessinée, ne relate les
techniques alors utilisées pour échafauder, étayer,
consolider ces structures éphémères en bois
indispensables pour
réaliser la
construction
en pierre.
De
nombreuses
hypothèses ont été développées, sans certitude de vérité
car jamais testée en vraie grandeur. La cerce imaginée
par Violet le Duc est d’une logique irréfutable mais on
imagine mal comment elle pouvait être manipulée et
appliquée pour des voûtains d’une portée de plusieurs
mètres.
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Cerce
imaginée par Violet le Duc
Voûtes
de Notre Dame de Paris
John
Fitchen,
architecte et historien américain, a élaboré des
hypothèses très pertinentes et convaincantes sur les
techniques et les moyens utilisés au Moyen Âge pour
construire les édifices. Il explique comment les cintres
s’articulent entre eux, comment ils sont soutenus,
comment le couchis est assemblé et accroché aux cintres,
mais il dit très peu de choses sur la façon dont les
architectes opéraient
pour
donner au
couchis
la forme adéquate.
L’invention
fulgurante
est
extrêmement
rare
dans
le
monde
de
la
technique.
L’innovation
vient des progrès accomplis patiemment par
l’amélioration continue des méthodes et des moyens
précédemment employés. Il en est ainsi du coffrage
nécessaire pour soutenir les voûtains des voûtes
d’ogive.
Raymond
Signe, chercheur indépendant que nous avons déjà cité
dans le chapitre La
voûte d’ogive
et dans les pages consacrées à l’église de La Ferté
Alais, présente une hypothèse très pertinente sur la
façon avec laquelle l’architecte de cette église a
procédé pour construire l’une des premières voûte
d’ogive réalisée en blocage.
Le
point
de
départ
est
le
coffrage
utilisé
pour
étayer
une
voûte
d’arête
:
des
planches
parallèles
aux
lignes de faîte s’appuyant sur
les
cintres
demi-circulaires
définissant
la forme des voûtains. Les images ci-dessous illustrent
ce principe matérialisé sur l’image
de droite où l’on voit les assises d’une voûte
appareillée, toutes parallèles aux lignes de faîte.
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L’hypothèse
formulée
par Raymond Signe est que le couchis utilisé pour les
voûtes de l’église de La Ferté Alais reprenait le même
principe que pour une voûte d’arête : des planches
droites qui, grâce à la technique ogivale, reposent à
leurs extrémités sur l’ogive et sur l’arc doubleau ou
l’arc formeret.
Au sommet de la voûte les planches sont parallèles à la
ligne de fait, comme pour un coffrage de voûte d’arrête.
Mais au fur et à mesure que l’on descend le long de
l’ogive et de l’arc doubleau / formeret la surface se
tord,
on dit alors qu’elle se gauchit
comme l’illustre intuitivement le dessin ci-dessous.
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Les
images
ci-dessous illustre ce gauchissement sur des voûtes
appareillées de l’église d’Auvers sur Oise et celle de
Chars. Les assises sont de moins en moins parallèles à
la ligne de faîte et les voussoirs ont des largeurs
variables pour s’adapter au gauchissement. Ces
déformations de surface ne peuvent pas être observées
sur des voûtes en blocage protégées par du crépi comme à
La Ferté Alais.
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Auvers
sur Oise (95)
Chars (95)
Raymond
Signe
a réalisé une maquette d’étude en bois au
1 / 18ème
des
voûtes de La Ferté Alais pour tester son hypothèse.
Cette maquette sera construite
à l’échelle 1 / 2,5
avec
des matériaux simulant parfaitement la technique du blocage.
Le
projet est conduit par
l’Association pour la Sauvegarde de l’Église de La
Ferté Alais confirmant ainsi que cette église est
une des premières, sinon la première, église gothique de
l’Île de France à la fois par les techniques de
construction et par l’esthétique intérieure.
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Le
savoir-faire
de la construction des voûtes a considérablement
progressé au fil des temps. Les voûtes des grandes
cathédrales détruites ou gravement endommagées durant
les deux guerres mondiales ont été reconstruites à
l’identique mais avec les techniques du XXème
siècle.
Celles
de
Notre Dame de Paris le seront avec les outils du XXIème
siècle soutenus par les logiciels de simulation, de
calcul des forces et contraintes, de visualisation 3D et
seront réalisés grâce aux techniques sophistiquées
d’échafaudage, d’étaiement et de levage d’aujourd’hui.
Nous
serons,
à juste titre, admiratifs de nous mêmes parce que nous
ferons en quelques années ce que nos ancêtres
faisaient
en
plusieurs
dizaines,
voire
centaines d’années.
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