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Comme
nous
l’avons
expliqué
dans
le
chapitre
L’arc
boutant
avec
le schéma ci-dessus, il s’agit de déporter le point où
s’exerce la poussée de la voûte sur une culée située à
l’extérieur des collatéraux. Cela revient à déplacer
vers l’extérieur de l’édifice l’épais contrefort qu’il
aurait fallu dresser contre le mur gouttereau de la nef
et qui aurait obstrué le collatéral.
Comme
le
montre
le
schéma
ci-dessous
il
faut
alors
placer
un
étai
entre
la
base
de
la
voûte
et
la
culée,
pour
transmettre la poussée de la voûte sur la culée.
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La
largeur
des collatéraux des grandes églises nécessitant des arcs
boutants pour assurer leur équilibre varie de 4,50
mètres jusqu’à 9,50 mètres pour les édifices munis de
doubles collatéraux et peut atteindre 13,50 mètres à la
cathédrale de Bourges et même15 mètres à Notre Dame de
Paris. Pour une telle traversée de l’espace le seul
matériau possible est la pierre d’une part pour sa
résistance à la compression et d’autre par sa moindre
vulnérabilité aux incendies et aux intempéries.
Comme
nous
l’avons vu dans la fiche Traversée
de l’espace avec la pierre,
l’arc permet de traverser de larges portées avec des
pierres de petites tailles. Il est donc être utilisé
pour constitué l’étai en pierre, comme le montre le
schéma ci-dessous.
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Nous
devons
nous émerveiller du savoir-faire des maîtres d’œuvre
médiévaux. Comme je l’ai déjà dit, ils n’avaient à leur
disposition que la géométrie euclidienne comme approche
théorique et que la règle et le compas comme outil
pratique. Souvent les historiens de l’art évoquent les
tâtonnements ou les hésitations dont ils semblaient
faire preuve. En fait ils expérimentaient de façon
pragmatique par essais-erreurs, non pas au hasard mais
de façon raisonnée. S’ils ne disposaient pas de nos
théories ni de nos outils, ils avaient la même
intelligence que nos architectes et nos ingénieurs. Ils
n’ont cessé d’innover durant tout le Moyen Âge.
Ces
quelques
mots ci-dessus pour introduire la formidable innovation
qu’est l’arc boutant que nous comprenons mieux
aujourd’hui grâce aux théories abouties de la statique
des solides et de la résistance des matériaux confirmées
grâce aux calculs par les méthodes par éléments finis
réalisés sur de puissants ordinateurs.
L’astuce
consiste
à disposer l’étai de façon à ce que l’arc prenne appui
dans la zone où s’exerce la poussée latérale de la voûte,
comme l’illustre le
schéma
ci-dessous.
Une autre astuce consiste à
profiler l'étai de façon à ce que la face
supérieur puisse faire office de petit canal pour
écouler les eaux de pluies collectées par les chéneaux
situés à la base de la toiture
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La
composante
horizontale
H est ainsi conduite le long des voussoirs de l’arc en
se "verticalisant" progressivement et transmet à la
culée une force horizontale H1 bien plus faible que la
poussée horizontale initiale H.
Pour
que la culée résiste à l’effet de renversement que
produit la force H1 on augmente sa stabilité en
augmentant son poids en plaçant à son sommet une masse
de pierre de plusieurs tonnes en forme de cône ou de
pyramide, généralement très sculptée à partir du XIIIème
siècle, appelée pinacle. La culée est ainsi lestée des
forces V1 et V2 en plus de son propre poids.
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Ce
modèle
de base convient pour les édifices à un seul collatéral.
On le trouve dans les églises avec tribunes qui
contrebutent la nef et dont l’étage des fenêtres hautes
n’est pas démesuré, mais aussi les églises sans tribune
dont l’étage des fenêtres hautes reste raisonnable.
Comme
par
exemple pour Laon, Sens, Mantes la Jolie, édifices avec
tribunes ou plus modestes comme pour Rampillon, Laon –
Saint Martin, Les
Andelys,
Noirlac,
Saint Martin aux Bois, Sens.
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Laon
– Cathédrale Notre Dame (02) |
Sens
– Cathédrale Saint Etienne (89)
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Mantes-la-Jolie
- Collégiale Notre Dame (78) |
Rampillon
– Église Saint Elphe
(77) |
Laon
–
Église Saint
Martin |
Les
Andelys – Église Saint Sauveur |
Abbaye
de Noirlac
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Saint
Martin
aux
Bois
–
Abbatiale
Saint
Martin
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Sens
– Cathédrale
Saint
Etienne
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Auvers
sur Oise – Église Notre Dame |
Arc-boutant
double à une volée |
Les
maîtres
d’œuvre ont observé qu’avec une certaine hauteur, ce qui
est le cas des cathédrales, les maçonneries étaient
sensibles à l’effet du vent qui pouvait engendrer des
désordres préjudiciables à l’équilibre de
l’édifice.
Ces
effets sont d’autant plus important que
l’édifice est
grand et haut. Les calculs que l’on peut faire
aujourd’hui montrent que
pour
un édifice
comme
la cathédrale de Beauvais,
chaque travée est
soumise
à une
force
latérale
de
188 tonnes
par
un vent de 150
kilomètre-heure
Par
simple bon sens les
architectes placèrent
un deuxième étai au dessous du premier, dédoublant ainsi
l’arc-boutant. Ce dispositif fut utilisé pour les
édifices d’une hauteur déjà conséquente et dotés d’un
seul collatéral de part et d’autre de la nef comme, par
exemple, Saint-Denis,
Amiens
pour
la nef, Soisson,
Chartres,
Senlis , Châlons en Champagne.
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Saint
Denis
–
Cathédrale Saint Denis (coupe
par Viollet le Duc)
Amiens
– Nef de la cathédrale Notre Dame (coupe
par Philippe Gavet)
Soisson
– Cathédrale St Gervais & St Protais (coupe par Philippe
Gavet)
A
chartres l’arc boutant supérieur a été ajouté à la fin
des travaux, vers 1316, sans doute par précaution. Ils
n’étaient pas prévus dans le dessin initial qui était
d’une grande pureté.
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Chartes
– Cathédrale Notre Dame (coupe
par Philippe Gavet)
Senlis
– Cathédrale Notre Dame |
Châlons
en Champagne – Cathédrale Saint Pierre |
Arc-boutant
double à deux volées
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Cette
disposition
se retrouve dans les
très grands édifices munis de deux collatéraux de chaque
côté de la nef. Elle permet de franchir en deux arcs une
large portée.
Le
principe
de l’arc boutant à deux volées et des supports
intermédiaires est illustré dans le schéma de principe
ci-dessous.
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A
la
cathédrale
de Beauvais se posait un défi analogue pour couvrir le
déambulatoire et les chapelles rayonnantes,
un
support intermédiaire fut placé
pour recevoir le pied du premier arc et la tête du
second. La hardiesse de l’édifice était telle que, lors
de la réfection des voûtes qui s’étaient effondrées, les
architectes rendirent les culés solidaires les unes des
autres grâce à un ensemble de tirants métalliques.
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Beauvais
– Cathédrale Saint Pierre (60)
A
Bourges les architectes
ne relevèrent pas le défi de parcourir la largeur des deux
collatéraux (13,5 mètres) par un seul arc. Il disposèrent
les
arcs
de façon à ce que la deuxième volée de l’arc inférieur
viennent contrebuter la voûte du collatéral intérieur plus
haute que celle du collatéral extérieur.
Les architectes ont utilisé un prinicpe jamais reproduit
pour d'autres édifices : des arcs boutants en arc brisé
conduisant à une forte inclinaison de l'étai, réduisant
ainsi la hauteur de la culée et donc son poids.
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Bourges
– Cathédrales Saint Etienne (18)
Le
Mans – Cathédrale Saint Julien
Les
arcs boutants de Notre Dame de Paris
La
cathédrale
Notre-Dame de Paris dont l’élévation est avec tribunes,
fut à sa construction au XIIème
siècle munie d’arcs-boutants simples à deux volées pour
assurer la stabilité de la nef. Les tribunes étaient
contrebutées par un arc-boutant simple enjambant le
deuxième collatéral comme l’illustre le schéma
ci-dessous. Il ne subsiste qu’un seul arc-boutant de ce
type à l’angle du chœur et du transept nord.
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Paris
– Cathédrale Notre Dame (75)
Au
XIIIème
siècle l’édifice fut l’objet d’un profond remaniement, les
fenêtres de la nef furent agrandies, des chenaux furent
installés
pour recueillir les
eaux de pluie et les arcs boutants furent reconstruits
selon une configuration hardie propre à Notre-Dame. La
double volée fut remplacée par un seul arc boutant d’une
portée de 18 mètres. Cette configuration est unique.
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Paris
– Cathédrale Notre Dame (75)
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